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Page:Boué -Le Roi des aventuriers, 1932.djvu/11

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Feuilleton du COURRIER DE SION
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Où est l’ombre du Chevalier ?


Quelques temps après, le chevalier d’Arsac et M. Corbier descendaient d’un taxi en face d’un somptueux hôtel du boulevard Saint-Germain.

— C’est là qu’est entré le comte de Beaulieu, dit le maître-maçon.

— Bien, mon ami. Comme j’ai oublié mon laquais à mon hôtel de Provence, veuillez avoir l’obligeance de sonner.

M. Corbier s’acquitta de cette tâche.

Quelques secondes après, un valet en livrée ouvrit la porte. À la vue du chevalier d’Arsac, il s’inclina très bas et s’écarta pour lui livrer passage.

Le chevalier d’Arsac entra, la tête haute, suivi de M. Corbier. Un second valet, après s’être incliné devant lui aussi bas que son prédécesseur, l’introduisit dans un vaste salon, sans mot dire.

M. le comte de Beaulieu est-il chez lui ? demanda le chevalier.

Le valet leva vers lui des yeux ahuris, et vaguement inquiets :

— Monsieur le comte désire ? demanda-t-il en s’inclinant de nouveau.

— Je désire savoir si M. le comte de Beaulieu est ici.

Pour la seconde fois, le valet leva des yeux ahuris et balbutia d’une voix humble :

— Oui, monsieur le comte.

— Très bien. Faites-lui savoir que le chevalier Gaston Terrail de Bayard d’Arsac, comte de Savignac, le prie de vouloir bien lui accorder une entrevue de quelques instants.

Le valet semblait ébranlé. Son visage reflétait l’étonnement poussé au paroxysme. Il attendait, bouche bée.

— Vous ne m’avez pas compris ? s’écria le chevalier, impatienté. Mais, allez-vous répondre ?

— Que Monsieur le comte daigne me pardonner, balbutia le valet, mais je n’ai pas bien compris son ordre.

— Je vous ai dit, reprit le chevalier d’une voix tranchante, que je désirais parler à votre maître. M’avez-vous compris, maintenant ?

— Oui, monsieur le comte.

— Eh bien ? Mordious ! pourquoi donc restez-vous figé comme une statue ? Allez prévenir votre maître.

— Que monsieur le comte me pardonne, mais je ne sais comment accomplir une chose impossible.

— Impossible ! Monsieur de Beaulieu refuse-t-il de recevoir ?

— Non, monsieur le comte.

— Serait-il malade ?

— Non, monsieur le comte.

— Bref, où est-il votre maître ?

— Que Monsieur le comte me pardonne si je ne saisis pas très bien la plaisanterie, mais M. le comte est devant moi.

— Ah ! je comprends ! s’écria le chevalier en éclatant de rire, c’est moi que vous prenez pour le comte de Beaulieu.

Le valet, rassuré par le rire du chevalier, sourit avec discrétion de la plaisanterie dont voulait bien l’honorer celui qu’il croyait être son maître. Il répondit par une respectueuse inclination de la tête.

— Mordious ! s’écria d’Arsac, il faut croire que je lui ressemble fameusement. Non, je ne suis pas le comte de Beaulieu. Je porte le titre de comte de Savignac. Mais dites-moi, quand pourrai-je trouver ici mon sosie, le véritable comte de Beaulieu ?

Ce ne fut point sans difficulté que d’Arsac parvint à tirer de son mutisme ce valet têtu qui persistait à voir en lui son maître. Finale-