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J’admets que cet ouvrier sans travail ne puisse en obtenir ni du gouvernement, ni des particuliers, qu’il en ait vainement appelé à leur humanité et à leurs calculs, ne peut-il devenir porteur, commissionnaire, etc. ? Partout où il existe un public, une réunion d’hommes, il en est qui ont besoin du service et des sueurs des autres, et qui, pour se dispenser d’une peine, sont disposés à la payer.

De ceci nous tirons encore cette induction : que tout mendiant, je parle du mendiant jeune et valide, l’est parce qu’il veut l’être ou parce qu’il n’a pas fait tout ce qui dépendait de lui de faire pour ne l’être pas. Or, s’il ne l’a pas fait, c’est qu’il n’y a pas été contraint par une nécessité absolue, par un péril réel, c’est qu’enfin il a cru superflu de le faire, puisqu’on le faisait vivre quand il s’en dispensait. Cependant, il est évident que l’homme qui n’a rien et qui ne fait rien, vit, aux dépens de celui qui a quelque chose ou qui fait quelque chose. Point de milieu : il faut gagner sa nourriture, la recevoir ou la prendre. Tout fainéant, s’il ne possède rien, est une sangsue ou un voleur, et dans l’un ou l’autre cas, il est à charge à quelqu’un et à l’ensemble.

Si ce raisonnement est logique et si l’on admet également que personne ne doit vivre de la substance d’autrui, dans un pays où les droits sont égaux et les devoirs réciproques, on ne devrait permettre l’oisiveté qu’à celui qui pourrait justifier de ses moyens d’existence, et il n’y faudrait tolérer la mendicité sous aucun prétexte, sous aucune forme.

Punir ceux qui donnent serait sans doute bien sévère, d’ailleurs peu praticable et quelquefois injuste, parce qu’on ne donne pas toujours mal ; mais ce serait à nos moralistes, à nos pasteurs, à nos magistrats, à faire concevoir au peuple ce que c’est que l’aumône, comment il doit la faire, comment il peut la demander et la recevoir, et apprendre chacun à distinguer quel est le don qui