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Page:Bouglé - Qu’est-ce que la sociologie ?, 1921.djvu/102

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QU’EST CE QUE LA SOCIOLOGIE ?

est soumise à la loi générale de la vie : non seulement elle forme un tout cohérent au mouvement duquel les parties se subordonnent, mais dans le mouvement de ce tout on reconnaît des phases ; elle croît et elle dépérit, elle connaît les progrès et le déclin, la jeunesse et la vieillesse.

Cette assimilation du corps social à un corps vivant s’impose, — leurs expressions involontaires le prouvent, — à ceux-là même qui s’en défient : tout se passe dans une société comme si un principe actif, d’ailleurs sujet à user son énergie, faisait conspirer les actions diverses de ses éléments[1].

Considère-t-on d’ailleurs à part les principaux « organes » de la vie sociale, les analogies seront plus frappantes encore. On peut dire qu’une langue forme comme un tout organisé ; une même tendance générale, un même génie anime les éléments qui la constituent ; leurs transformations obéissent à de certaines lois, qui semblent elles-mêmes dépendre d’un idéal directeur. Et ces transformations sont sans doute l’œuvre des hommes, mais l’œuvre inconsciente, instinctive, irraisonnée, vraiment analogue à une élaboration organique. De même n’est-ce pas comme le résultat d’une élaboration analogue, d’une « action lente et cachée » due à des causes « étrangères à la délibération humaine[2] » qu’il faut se représenter le droit primitif ? Ici encore des instincts plutôt que des conventions président au développement des formes. On en pourrait dire autant, toutes choses égales d’ailleurs, de l’organisation et de

  1. Matérialisme, 191.
  2. C’est une expression de Guizot, que Cournot aime à citer voir Matérialisme, 191)