l’évolution des premières croyances religieuses. En ces matières, Cournot est heureux d’utiliser l’autorité des Savigny, des Max Müller, des Renan[1]. Il se félicite des images empruntées par les diverses disciplines historiques aux sciences de la nature vivante ; il y voit une preuve de cette rénovation que le vitalisme devait, suivant lui, procurer à la pensée du XIXe siècle[2].
Est-ce à dire que Cournot n’ait fait autre chose, en dépassant sa conception de l’étiologie, que d’ouvrir les voies à la sociologie biologique ? Et nous arrêterons-nous à cette conclusion, que la seule tentative pour ordonner la connaissance des sociétés qui puisse s’autoriser de lui est précisément celle qui ne s’est réalisée qu’en transposant, à leur usage, les concepts élaborés par les sciences naturelles ?
Il faut observer d’abord que si Cournot a établi, comme nous venons de le voir, la légitimité et ce qu’on pourrait appeler l’utilité heuristique de cette transposition, il a marqué avec soin les limites qu’elle ne devrait pas outrepasser. Il parait ainsi d’avance la plupart des critiques que la « théorie organique » s’est attirées. C’est ainsi qu’il accorde que le langage, par exemple, n’est pas à proprement parler une chose vivante ; il eut reconnu que la « vie des mots » est une expression équivoque ; les mots ne sont que des « produits de la vie » ; mais dans les produits de la vie aussi, par exemple dans les carapaces ou les coquilles, on reconnaît les marques d’une élaboration organique[3]. Pour prêter aux