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Page:Bouglé - Qu’est-ce que la sociologie ?, 1921.djvu/182

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QU’EST CE QUE LA SOCIOLOGIE ?

se rapprocher du supérieur, qui fait tout ce qu’il peut pour le distancer. En ce sens encore, et dans la mesure où ce développement des besoins favorise le développement de la spécialisation, la division des sociétés en classes devrait être rangée parmi les causes, bien plutôt que parmi les conséquences de la division du travail. Et ces causes devraient être cherchées non plus seulement dans l’influence exercée sur les facultés et les besoins des hommes par la forme extérieure des sociétés, mais dans l’influence exercée sur les sentiments mêmes par leur structure interne, par toutes sortes de phénomènes d’organisation dont l’étude relèverait non plus de la morphologie sociale proprement dite, mais de la sociologie politique ou économique.

D’une façon plus générale, qu’on soit forcé, pour expliquer le progrès de la spécialisation, de faire entrer en ligne de compte nombre de sentiments complexes et dépendants eux-mêmes de causes très variées, on s’en convaincra aisément si l’on fait attention à la nature de cette « nécessité » qui impose, nous dit-on, la spécialisation aux sociétés volumineuses et denses. Est-il vrai que ce soit une nécessité d’ordre tout extérieur et mécanique, une sorte de fatalité qui pousserait les hommes sans qu’ils s’en aperçoivent et sans qu’ils puissent, en tout cas, lui résister ? Non sans doute : car si la division du travail s’offre comme une solution de la lutte pour la vie, elle n’est pas la solution unique. Elle est une solution « adoucie » ; mais d’autres restent possibles vers lesquelles les hommes pourraient pencher, si, pour des raisons à déterminer, ils n’étaient portés déjà vers la solution la plus douce, la plus pacifiante, et pour tout dire, la plus « sociale ». La division du travail