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Page:Bouglé - Solidarisme et libéralisme, 1904.djvu/17

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solidarisme et libéralisme

tout ce qu’il est à l’association humaine.

Ainsi se précisait et s’élargissait ce sentiment de la dette sociale que M. Bourgeois devait si éloquemment exprimer, en une page déjà classique :

« Dès que l’enfant, après l’allaitement, se sépare définitivement de la mère et devient un être distinct, recevant du dehors les aliments nécessaires à son existence, il est un débiteur ; il ne fera point un pas, un geste, il ne se procurera point la satisfaction d’un besoin, il n’exercera point une de ses facultés naissantes, sans puiser dans l’immense réservoir des utilités accumulées par l’humanité.

« Dette, sa nourriture : chacun des aliments qu’il consommera est le fruit de la longue culture qui a, depuis des siècles, reproduit, multiplié, amélioré les espèces végétales ou animales dont il va faire sa chair et son sang. Dette, son langage encore incertain : chacun des mots qui naîtra sur ses lèvres, il le recueillera sur des lèvres de parents ou de maîtres qui l’ont appris comme lui, et chacun de ces mots contient et exprime une somme d’idées que d’innombrables ancêtres y ont accumulée et fixée. Lorsqu’il lui faudra non pas seulement recevoir des mains des autres la première nourriture de son corps, et, de leurs lèvres, celle de son