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Page:Bouglé - Solidarisme et libéralisme, 1904.djvu/18

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solidarisme et libéralisme

esprit, lorsqu’il commencera à créer par son effort personnel les matériaux de son accroissement ultérieur, il sentira sa dette s’accroître envers le passé. Dettes, et de quelle valeur, le livre et l’outil que l’école et l’atelier lui vont offrir : il ne pourra jamais savoir ce que ces deux objets, qui lui sembleront si maniables et de si peu de poids, ont exigé d’efforts antérieurs ; combien de mains lourdes et maladroites ont tenu, manié, soulevé, pétri et souvent laissé tomber de lassitude et de désespoir cette forme de l’outil avant qu’elle soit devenue l’instrument léger et puissant qui l’aide à vaincre la matière ; combien d’yeux se sont ouverts et longuement fixés sur les choses, combien de lèvres ont balbutié, combien de pensées se sont éveillées, efforcées et tendues, combien de souffrances ont été subies, de sacrifices acceptés, dévies offertes, pour mettre à sa disposition ces caractères d’imprimerie, ces petits morceaux de plomb qui, en quelques heures, répandent sur le monde, par millions d’exemplaires, l’innombrable essaim des idées, ces vingt-quatre petites lettres noires où l’homme réduit et représente le système du monde ! Et plus il avancera dans la vie, plus il verra croître sa dette, car chaque jour un nouveau profit sortira pour lui de l’usage de l’outillage matériel et intellectuel créé par l’humanité. »