Page:Boulenger - Romans de la table ronde I.djvu/227

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
211
LA DAME DU LAC

Merlin fut engendré en femme par un diable incube, et pour cela il fut appelé l’enfant sans père. Ces diables sont très chauds et luxurieux. Quand ils étaient anges, ils étaient beaux et plaisants au point qu’à se regarder seulement ils parvenaient au suprême bonheur des sens. Après qu’ils eurent chu avec leur maître, ils continuèrent de s’adonner à la luxure qu’ils connaissaient déjà dans les hautes demeures.

À l’âge de douze ans, Merlin fut amené à Uter Pendragon ; puis il aida au roi Artus, à qui il fit établir la Table ronde, comme il est conté dans son histoire. Et la demoiselle qui emporta Lancelot dans le lac fut justement cette Viviane qu’il aima si fort, à laquelle il apprit ses enchantements, et qui l’endormit et l’enserra par nigromance dans la prison d’air.

Si la Dame du Lac fut tendre pour Lancelot, il ne le faut pas demander : l’eût-elle porté dans son ventre, elle ne l’aurait pu garder plus doucement. Et le lac où elle avait semblé se jeter avec lui n’était qu’un enchantement que Merlin naguère avait fait pour elle : à l’endroit où l’eau paraissait justement le plus profonde, il y avait de belles et riches maisons, à côté desquelles courait une rivière très poissonneuse ; mais la semblance d’un lac recouvrait tout cela.

La Dame n’était pas seule en ces lieux : elle y avait avec elle des chevaliers, dames et de-