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L’ÉPÉE DE L’ENCLUME

seize ans, fort aimable et serviable : il piqua des deux aussitôt vers leur logis, mais il ne put trouver l’épée de son frère ni aucune autre, car la dame de la maison les avait toutes rangées dans une chambre, et elle était allée voir la mêlée. Il revenait, lorsqu’en passant devant l’église il pensa qu’il n’avait pas encore fait l’essai : aussitôt il s’approche du perron et, sans même descendre de cheval, il prend le glaive merveilleux par la poignée, le tire sans la moindre peine, et l’apporte sous un pan de manteau à son frère, à qui il dit :

— Je n’ai pu trouver ton épée, mais je t’apporte celle de l’enclume.

Keu la saisit sans sonner mot, et se mit à la recherche de son père.

— Sire, lui dit-il en le joignant, je serai roi : voici l’épée du perron.

Mais Antor, qui était vieil et sage, ne le crut guère et n’eut pas beaucoup de peine à lui faire confesser la vérité. Alors il appela Artus et lui commanda d’aller remettre le glaive où il l’avait pris : l’enfant replongea la lame dans l’enclume aussi aisément qu’il eût fait dans la glaise. Ce que voyant, le prud’homme l’embrassa :

— Beau fils, si je vous faisais élire roi, quel bien m’en reviendrait ?

— Sire, répondit Artus, je ne saurais avoir rien dont vous ne soyez maître, étant mon père.

— Cher sire, je suis votre père adoptif, mais