Aller au contenu

Page:Boulenger Marceline DesbordesValmore.pdf/26

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
22
MARCELINE DESBORDES-VALMORE

dions sérieusement, nous parlions bas et peu : « Bonsoir ! » disait-il, ct je recevais de ses mains, qu’il avançait vers moi, de larges feuilles vertes et fraîches, qu’il avait été prendre sur les arbres du rempart pour me les apporter. Je les prenais avec joie, je les regardais longtemps, et je ne sais quel embarras attirait enfin mes yeux à lerre. Je les tenais alors fixés sur ses pieds nus, et l’idée que l’écorce des arbres les avait blessés me rendait triste. Il le devinait, car il disait : « Ce n’est rien ! » Nous nous regardions encore, et, par un mouvement soudain du caur, en forçant ma voix faible de prononcer sans trembler : « Adieu, Henry ! » İl avail dix ans et j’en avais sepl… >> Et cette idylle se passait sous la Terreur. Encore que catholique et royaliste, Desbordes père ne manquait pas de donner des preuves de civisme et de prudence. C’est ainsi qu’il assistait à ces banquets où les citoyens, assis à une même table dans la rue, prouvaient, en se nourrissant tous ensemble de mets grossiers mais substantiels, l’ardeur de leur patriotisme et celle de leur appétit. Même, Desbordes père faisait du zèle. Un jour, à la fin d’une de ces agapes, les assistants virent qu’on hissait sur la table une très petite fille en robe blanche, toute couverte de rubans tricolores,