Page:Bouniol - Les rues de Paris, 3.djvu/60

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M’ayaut fait asseoir, et la lecture se trouvant terminée, elle se tourna vers moi et dit : « 11 faut savoir donner à qui sait être reconnaissant, d’autant plus que j’aurai une part aussi grande après avoir donné que François de Hollande après avoir reçu. Holà I un Tel, va chez Michel-Ange, dis-lui que messire Lactance et moi nous sommes dans cette salle hien fraîche, qui est fermée et agréable, demande-lui s’il veut bien venir perdre une partie de la journée avec nous, pour que nous ayons l’avantage de la gagner avec lui. » Quelques instants après, on frappait à la porte qui fut ouverte, et Michel-Ange, que le serviteur par fortune avait rencontré à peu de distance, entra. La marquise se leva pour le recevoir, puis le fit asseoir entre elle et messire Lactance. a Après un court silence, la marquise, suivant sa coutume d’ennoblir toujours ceux à qui elle parlait ainsi que les lieux où elle se trouvait, commença avec un art que je ne pourrais imiter ni décrire, et parla de choses et d’autres avec beaucoup d’esprit et de grâce sans jamais toucher le sujet de la peinture, pour mieux s’assurer du grand artiste. On voyait la marquise se conduire comme celui qui veut s’emparer d’une place inexpugnable par ruse et par tactique, et le peintre se tenir sur ses gardes, vigilant comme s’il eût été l’assiégé. « Vous avez, dit-elle entre autres choses à Michel-Ange, vous avez le mérite de vous montrer libéral avec sagesse, et non pas prodigue avec ignorance ; c’est pourquoi vos amis placent votre caractère au-dessus de vos ouvrages, et les personnes qui ne vous connaissent pas estiment de vous ce qu’il y a de moins parfait, c’est-à-dire les