Page:Bouniol - Les rues de Paris, 3.djvu/71

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ANGE ET TITIEN. 63 Hélas ! d’un lait trop fort la Muse t’a nourri, L’art fut ton seul amour et prit ta vie entière ; Soixante ans tu courus une triple carrière, Sans reposer ton cœur sur un cœur attendri. Pauvre Buonarroti ! ton seul bonheur tu monde Fut d’imprimer au marbre une grandeur profonde^ Et, puissant comme Dieu, d’effrayer comme lui. Aussi^ quand tu parvins à ta saison dernière, Vieux lion fatigué, sous ta blanche crinière, Tu mourus longuement plein de gloire et d’ennui. Dieu ne veut effrayer que les méchants et même pour eux, dès qu’ils se repentent, il a dans sa miséricorde des trésors de bonté. Michel- Ange mourut plei7i de gloire sans doute, mais non pas plein d’ennui, témoin cet admirable sonnet qu’il écrivait trois ans avant sa mort, et qu’on lit avec plusieurs autres dans une lettre adressée à Vasari ; {( Porté sur une barque fragile, au milieu d’une mer orageuse, j’arrive au port commun où tout homme vient rendre compte du bien et du mal qu’il a faits. (( Maintenant je reconnais combien mon âme fut sujette à l’erreur en faisant de l’art son idole et son souverain maître. (( Pensers amoureux, imaginations vaines et douces, que deviendrez-vous maintenant que j’approche de deux morts, l’une certaine, l’autre menaçante ? « Ni la peinture ni la sculpture ne peuvent suffire pour calmer une âme qui s’est tournée vers toi, ô mon Dieu, qui as ouvert pour nous tes bras sur la croix. » Ne sent-on pas ici le calme d’une grande âme battue