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la société des nations

contrainte morale ne vienne influer sur les déterminations d’un État, lorsque sa dignité, sa sûreté, son indépendance pourront lui sembler en cause.

C’est dans le même esprit de profonde prudence, et avec le même respect du sentiment national que, dans l’un et l’autre projet, on s’est abstenu d’inscrire le principe de la permanence des juges. Il est impossible, en effet, de méconnaître la difficulté d’instituer, dans la situation politique actuelle du monde, un Tribunal composé à l’avance d’un certain nombre de juges représentant les divers pays et siégeant d’une manière permanente dans des affaires successives.

Ce Tribunal donnerait, en effet, aux parties, non des arbitres choisis respectivement par elles en connaissance de cause et investis d’une sorte de mandat personnel de la confiance nationale, mais des juges au sens du droit privé, préalablement nommés en dehors du libre choix des parties. Une cour permanente, quelle que soit la haute impartialité de ses membres, risquerait de prendre aux yeux de l’opinion universelle le caractère d’une représentation des États ; les Gouvernements pouvant la croire soumise à des influences politiques ou à des courants d’opinion, ne s’accoutumeraient pas à venir à elle comme à une juridiction entièrement désintéressée.

La liberté du recours à l’arbitrage et la