Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/404

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à une Jouvence libératrice. Quelle illusion et comment avait-il pu même la concevoir quand il était si vieux, si chargé du poids de ces souvenirs qui se faisaient si nets en ce moment, presque si palpables ! Il réfléchissait alors aux événements qui l’avaient brusquement acculé à sa situation actuelle. Ce qu’il y avait en eux d’impossible à prévoir était précisément ce qui lui donnait la plus forte impression qu’une incompréhensible puissance les avait dirigés l’un après l’autre. Cette sensation subie, durant sa nuit de Monreale, d’une mystérieuse justice toujours à la veille de frapper les coupables bonheurs, le reprenait avec plus de force encore. En vain sa raison se révoltait-elle contre une semblable idée. On n’est pas impunément le fils d’une époque où c’est un lieu commun de la philosophie et de la science que la négation de toute cause providentielle dans les affaires du monde. Combien davantage dans les humbles et obscures destinées individuelles ! Francis s’appliquait à se démontrer que des hasards seuls après d’autres hasards avaient gouverné la suite des circonstances contraires où il s’était débattu. C’était un hasard que la comtesse Scilly et Mme Raffraye eussent été atteintes toutes les deux du même mal ; un hasard que deux médecins, à cent lieues de distance, eussent choisi le même séjour d’hiver parmi vingt autres pour ces deux malades ; un hasard que des indications