Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/352

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reprit Colette en haussant les épaules et de nouveau occupée devant la glace avec son crayon, « vous croyez encore au cœur de cet être-là ! Mais il n’est même pas votre ami à vous, mon cher… Si vous l’aviez entendu se moquer de vos amours, vous sauriez à quoi vous en tenir sur son compte… »

— « De mes amours ? … » interrogea René stupéfié.

— « Allons, » dit l’actrice en riant d’un mauvais rire, « ne jouez donc pas au plus fin avec moi, et quand vous voudrez bien placer vos confidences, choisissez quelqu’un de plus sûr que M. Larcher, votre ami. »

— « Je ne vous comprends pas, » répondit le jeune homme dont le cœur battait, « je ne lui ai jamais fait de confidences… »

— « Alors c’est lui qui a inventé que vous étiez amoureux de madame Moraines, cette jolie femme blonde, la maîtresse du vieux Desforges ? Ça me le complète, » continua la cruelle actrice, avec une de ces mordantes ironies, comme en peut avoir une créature profondément atteinte dans son amour-propre. Le malheureux Claude, qui oubliait, dans ses moments de tendresse, tout ce qu’il pensait de Colette dans ses moments lucides, lui avait simplement dit le lendemain de la visite de René : « Tu sais, ce pauvre Vincy, il est