Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/372

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qu’elle lui connaissait. Comment eût-elle pensé que cet enfant jouât au plus fin avec elle ?

— « Ce que j’ai fait ? » répondit-elle. « Mais d’abord, l’autre soir, je suis allée au Gymnase avec mon mari. Heureusement nous n’avons plus rien à nous dire… J’ai pu penser à toi toute la soirée, comme si j’avais été seule, et te regretter. C’est être si seule que d’être avec lui… Tu parles des tristesses de ta vie d’artiste ; si tu connaissais celles de ma vie de femme du monde et la mélancolie de ces corvées de plaisir, et celle de ces tête-à-tête ! »

— « Alors tu t’es ennuyée au théâtre ? » insista René.

— « Tu n’étais pas là, » dit-elle avec un sourire, et elle le regarda : « Qu’as-tu, mon amour ? » Jamais elle n’avait vu à René cette physionomie amère, presque dure.

— « C’est toujours cette puérile colère contre cet article, » répliqua René.

— « Il était donc bien méchant ? Où a-t-il paru ? » reprit-elle, mise en éveil par son instinct de maîtresse ; et comme le poète, interrogé ainsi à l’improviste, balbutiait : « Ce n’est pas la peine que tu le lises… » elle n’eut plus de doute : il avait quelque chose contre elle. Une question lui vint aux lèvres : « On t’a dit du mal de moi ? … » Son esprit de diplomatie profonde eut