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la terreur en macédoine

L’attaque de Marko est prévenue. Il n’a même pas le temps de parer cette botte foudroyante. Cette escrime si sobre, si savante et si redoutable le déconcerte et l’effraie… Oui, l’effraye !

Et devant cette pointe qui menace encore sa poitrine d’athlète, il n’a plus qu’un parti, qu’une ressource : la retraite ! Oui, l’humiliante, la déshonorante retraite ! Un nouveau bond en arrière lui fait éviter la mort. Alors une sueur glacée mouille ses tempes et deux larmes de rage brûlent ses yeux. Un hurlement jaillit de sa gorge.

Et Joannès, aussi calme, aussi maître de lui qu’à la salle d’armes, abaisse un peu son épée. Souriant, le regard railleur, il dit d’un ton dégagé, avec une ironie cinglante :

« Eh quoi ! seigneur Marko… bey de Kossovo… prince de la montagne… vous nous quittez !

— Tais-toi !… oh !… tais-toi… nous nous retrouverons !

— Mais, seigneur Marko, le meilleur moyen de se retrouver, c’est de ne pas se quitter.

« Vous plaît-il de continuer, ce petit exercice ?

— Assez ! te dis-je !… ne raille pas… car je te jetterai à la face dix mille têtes de paysans !

— Si je ne te tue pas ! »

Mais un tumulte épouvantable couvre sa voix. Un nouveau train arrive sur les rails. Des portières sortent des fusils qui tiraillent sans relâche. Cramponnés aux marchepieds, les mains crispées à toutes les saillies, des hommes se ruent sur le convoi. Des bombes lancées par eux éventrent les compartiments. De tous côtés retentit le cri : « Aux armes !… aux armes !… »