Page:Boutroux - Études d’histoire de la philosophie.djvu/241

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fasse obstacle à l’action divine : un miroir réfléchit sans résistance les rayons qui viennent le frapper. Dans cette opposition tout idéale, Dieu ne pouvait acquérir qu’une existence idéale. Pour qu’il prenne corps comme personne, il faut qu’il soit engagé dans une lutte avec un contraire véritable, c’est-à-dire avec une puissance positive et active, dont l’action soit opposée à la sienne. Il faut donc que Dieu suscite un tel contraire, qu’il entre en rapport avec lui, lui tienne tête, et finalement le discipline et le pénètre : ainsi seulement s’achèvera l’œuvre de la génération divine. Comment va s’opérer ce nouveau développement ?

La volonté qui s’est réalisée dans l’évolution à laquelle nous avons assisté, et qu’on peut appeler la raison, est encore un pur esprit, un infini, un mystère. Mais le mystère, tant qu’il subsiste, appelle la révélation qui seule le détermine comme mystère. Mystère et révélation, comme tous les contraires, se supposent mutuellement. La volonté ne saurait donc rester la puissance obscure et ténébreuse qu’elle est encore (Finsterniss). Au sein de sa nuit s’allume un désir nouveau, celui d’exister d’une manière réelle et concrète, c’est-à-dire corporelle. Mais ce n’est pas par elle-même que la nuit s’embrase et devient feu, que la raison immobile se change en désir de vivre. Le terme où tend la volonté divine est la réalisation de la personnalité ou forme excellente de la vie. Au fond de la raison il y avait donc la lumière aussi bien que les ténèbres, l’aurore de la vie parfaite