Page:Boutroux - Études d’histoire de la philosophie.djvu/242

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aussi bien que le désir obscur de la vie en général ; et c’est au contact de la lumière naissante que l’obscur s’est allumé et est devenu le feu. Le désir de vivre est, au fond, la volonté de bien vivre. Le Dieu possible se dédouble ainsi en désir de la vie en général, et en volonté de réaliser la vie parfaite. Ce ne sont plus là deux entités abstraites et idéales, mais deux forces, positives et vivantes l’une comme l’autre. Et ces forces se présentent tout d’abord comme deux énergies rivales, prêtes à entrer en lutte l’une contre l’autre. Car l’amour de la vie, livré à lui-même, pousse l’être à exister de toutes les manières possibles : il ne fait nulle différence entre le bien et le mal, entre le beau et le laid, entre le divin et le diabolique. Au contraire, la volonté de bien vivre et d’être une personne commande un choix parmi les formes possibles de la vie, et exclut celles qui ne sont pas conformes à l’idéal. Le dédoublement du rien éternel en passivité et activité, désir et volonté, n’avait produit que l’opposition toute logique d’un sujet et d’un objet. Le dédoublement de la volonté en volonté négative et en volonté affirmative, en feu et en lumière, en force et en amour a pour résultat une opposition réelle et un commencement de guerre intestine au sein de la divinité. Des deux puissances rivales la première, la force ou la vie en général, est le principe et la mère ; la seconde, l’amour ou la lumière, est la loi et la fin. L’une est le fonds de la nature réelle, l’autre le fonds de la personnalité divine.