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dans la source et c’est ce que nous appelons Dieu (§ 7).

39. Or cette substance étant une raison suffisante de tout ce détail, lequel aussi est lié par tout ; il n’y a qu’un Dieu, et ce Dieu suffit.

40. On peut juger aussi que cette substance suprême qui est unique, universelle et nécessaire, n’ayant rien hors d’elle qui en soit indépendant, et étant une suite simple de l’être possible ; doit être incapable de limites et contenir tout autant de réalité qu’il est possible[1].

41. D’où il s’ensuit que Dieu est absolument parfait ; la perfection n’étant autre chose que la grandeur de la réalité positive prise précisément, en mettant à part les limites ou bornes dans les choses qui en ont. Et là, où il n’y a point de bornes, c’est-à-dire, en Dieu, la perfection est absolument infinie. (§ 22. Préf., * 4, a[2]).

42. Il s’ensuit aussi que les créatures ont leurs perfections de l’influence de Dieu, mais qu’elles ont leurs imperfections de leur nature propre, incapable d’être sans bornes. Car c’est en cela qu’elles sont distinguées de Dieu[3]. Cette imperfection originale des créatures

  1. L’expansion d’un possible ne peut être entravée que par l’antagonisme d’un autre possible, avec lequel le développement du premier ne serait pas compatible. Mais, hors du possible qui est Dieu, il n’y a pas d’autre possible qui soit sur la même ligne, et qui puisse entrer en conflit avec lui. C’est pourquoi le possible qui est Dieu réalise nécessairement tout ce qui est en lui, à savoir l’infinie perfection (Voy. sup., p. 90).
  2. Éd. Efdm., p. 469 a.
  3. Chaque créature est identique à Dieu, quant à l’essence. Elle ne diffère de lui que quant à l’existence, c’est-à-dire quant au degré de développement ou de réalisation. L’essence divine est de tout point réalisée : l’essence de la créature est en voie de réalisation et ne pourra jamais atteindre à la réalisation totale (Cf. fin du § 61). Tout autre était la doctrine de Descartes, qui tenait les essences pour des créatures de Dieu, et d’un Dieu qui crée par une liberté d’indifférence. Selon lui, l’essence de l’homme, ou son entendement, radicalement borné, était véritablement d’une autre nature que l’entendement infini de Dieu. Seule la liberté, consistant, comme il disait, dans une indivisible, était identique en l’homme et en Dieu. Sur le prolongement de la voie cartésienne, on rencontre le système kantien de l’hétérogénéité radicale d’un entendement discursif comme celui de l’homme, et d’un entendement intuitif comme serait celui de Dieu. Sur le prolongement de la voie leibnitienne se trouve le système hégélien de l’identité radicale entre l’être et la pensée, et de l’immanence de l’absolu au sein du relatif.