Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/100

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fait contraire, & qu’à moins qu’on n’eût prévenu entre les puissances de l’Europe toutes ces difficultés, avant de vouloir expulser Théodore : celui qui en feroit l’entreprise trouveroit dans son chemin plusieurs princes prêts à s’y opposer. Mais, disent certaines gens, tout est déja réglé, tout est conclu ; on sçait à quoi s’en tenir. C’est ce que j’examinerai dans la suite, & je trouve cette opinion remplie de difficultés. Je regarde actuellement (en supposant que Théodore agisse pour lui seul) quels seroient les obstacles que rencontreroit la puissance qui voudroit le chasser de Corse, s’il en étoit une fois paisible possesseur.

Je veux que ce soit l’Espagne. L’intérêt de la France s’oppose fortement à souffrir que cette nation ait un état, des villes, plusieurs ports, qui bloquent entièrement ceux de Marseille, de Toulon & d’Antibes. Avec deux frégates de vingt piéces de canon, dès que les Espagnols auroient la guerre avec la France, ils romproient absolument le commerce du Levant. Dans une tempête, les vaisseaux marchands seroient obligés d’aller chercher un azyle dans des ports très-éloignés, & quelquefois n’en pourroient pas trouver, sur-tout si le vent les empêchoit d’approcher la côte d’Italie. L’isle de Corse entre les mains d’une puissance aussi