Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/110

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de vertus sont obscurcies par un défaut considérable : ils sont ivrognes au souverain dégré. Ils passent quelquefois des jours & des nuits à des débauches continuelles ; & l’on ne peut espérer de gagner une place dans leur cœur, sans avoir le verre à la main. L’amitié chez eux se cimente par le vin. Celui qui boit le plus, passe en Suisse pour être le plus aimable. Un homme, dont l’estomac contient six ou sept bouteilles de vin, est aussi recherché dans leurs fêtes, qu’un poëte ou un auteur gracieux l’est en France dans les parties de plaisir.

Chapelle & S. Evremond n’eussent été en Suisse que deux misérables faquins, indignes des bonnes compagnies.

Quelque plaisir que les Suisses prennent à boire, dès qu’ils ont fini leurs débauches, ils reprennent leurs occupations, & redoublent leur industrie & leur diligence pour regagner ce qu’ils ont dépensé. Ils travaillent pour boire, dit un auteur moderne, & boivent pour mieux travailler dans la suite. L’inclination qu’ils ont pour le vin ne les empêche pas d’être prudens & circonspects dans les affaires publiques & particulieres. Il faut que les fumées de Bacchus ayent moins d’ascendant sur leurs cerveaux que sur ceux des autres peuples ; car il n’est aucune