Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/141

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une surprise étonnante, si je n’étois prévenu.

A l’auberge ou je suis logé, il y a deux jansénistes Parisiens, exilés par une lettre de cachet. Il n’est rien de si plaisant que de les ouir disputer avec un jeune abbé qui espère d’avoir quelque bénéfice par la protection des jésuites. Il faut avouer qu’il gagne bien le présent qu’on lui fait attendre, & qu’il se bat pour le parti contre tout venant avec un courage infini. Quand il ne peut se défendre par des raisons, il a recours aux invectives : si bien souvent nous n’arrêtions sa fougue & son impétuosité, il se prendroit au collet avec un de ces jansénistes, & tous les deux acheveroient de décider leurs disputes à coups de poing.

Il y a deux ou trois jours qu’un prêtre, fort ennemi des jésuites, vint dîner à notre auberge. On m’écrit, dit-il, de Dôle, que le pere Girard a fait plusieurs miracles depuis sa mort. Si cela est, il n’est point de pendu ni de roué qui n’en puisse opérer : l’on pourra faire de fort belles catacombes des fourches & des potences de Mont-faucon ; & les reliques deviendront à bon marché. Vous êtes un fat, dit le jeune abbé au prêtre janséniste. Si l’