Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/220

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vagues, on trouve que les payens, qui ont dit ou cru qu’il n’y avoit qu’une divinité, l’ont reconnu de la manière qu’ils reconnoissoient qu’il n’y a qu’un monde : &, par conséquent, le dieu qu’ils croyoient étoit un dieu composé de cent mille dieux différens : puisque tout ce qui est matériel a nécessairement des parties, &, par conséquent, est divisible. Il auroit donc fallu que chaque partie qui composoit la divinité fût elle-même un dieu : car quelle absurdité ne s’ensuivroit-il pas, de dire qu’une chose divine est composée de parties non divines ? Ce seroit la même chose que si l’on vouloit soutenir, qu’une matière pensante, s’il pouvoit y en avoir, fût composée de parties non pensantes.

L’on ne sçauroit dire qu’aucun philosophe ancien ait jamais connu la spiritualité de Dieu. [1]

Aucun n’a pû s’élever jusqu’à ce point de justesse & de discernement. Platon est le seul à qui le commerce qu’il avoit eu avec des juifs ait donné quelqu’idée de l’immatérialité de la divinité. Encore ne peut-on dire qu’il l’ait véritablement

  1. Voyez les Mémoires secrets de la république des lettres. Lettre V. Cette matière y est fort amplement traitée.