Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/231

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n’est point un cas extraordinaire en France : il s’en faut bien qu’un mari volage soit un phénix. Celui-ci rit lui-même de sa méprise, & chercha dans le bal ce qui n’avoit d’abord pû trouver. Sa femme étoit arrivée à l’opéra avant sa maîtresse : elle avoit pris la place où devoit se trouver cette dernière, qui avoit été forcée d’aller dans un autre endroit, & la ressemblance des habits de masque avoit causé l’erreur de cet amant.

C’est du chevalier de Maisin que je tiens cette aventure. Il m’en a raconté une autre, que je trouve encore plus plaisante. Un fermier-général avoit conduit au bal sa maîtresse. Il ne soupçonnoit point d’avoir de rival, & se trompoit. Un capitaine de dragons étoit l’amant aimé ; & lui n’étoit heureux qu’autant qu’il payoit cherement les grâces qu’on lui accordoit.

La belle, à la faveur de la foule des masques, étoit sortie, pour passer un quart-d’heure dans un fiacre avec l’officier. Ces carrosses de louage sont des retraites fortunées qui servent d’asyles aux amans pendant la durée du bal. Le fermier-général, sentant quelque desir de concupiscence, crut que le plus court moyen de chasser la tentation étoit