Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/232

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d’y succomber. Il chercha dans le bal sa chere maîtresse, & crut l’appercevoir dans une foule de masques. Il lui donna la main & lui proposa de sortir. Elle y consentit, le suivit sans lui répondre. Le fermier étoit déja sur le dégré de la salle, lorsqu’il apperçut le capitaine de dragons rentrant avec sa maîtresse, qui n’avoit point encore remis son masque. Juge de sa surprise, mon cher Isaac. Il maudit cent fois le bal, l’opéra, le capitaine de dragons, sa maîtresse & lui-même. Il rompit pour toujours avec cette perfide : & curieux de sçavoir quelle étoit la personne qui le suivoit de si bonne volonté, il reconnut que c’étoit une de ces aventurières publiques, toujours prêtes à rendre leurs services à quiconque les leur demandent.

Il arrive à chaque bal quelque histoire particuliere. Ces sortes de fêtes sont signalées par un nombre d’aventures, que l’amour & la jalousie occasionnent. Ces jours, ou plûtot ces nuits de plaisirs sont fatales aux maris, aux peres & aux meres, quelque attention qu’ils aient sur leurs femmes & leurs filles. Les libertés du bal, les commodités du masque trompent les plus vigilans argus.