Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/240

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à toutes les infirmités. Il faut donc réduire la vie de l’homme, en la prenant depuis l’âge de seize ans jusqu’à celui de soixante, à quarante-cinq années : & ce tems si court, si précieux, est employé par les sçavans à des occupations pénibles, & souvent peu gracieuses, qui ne leur donnent d’autre consolation, que l’espérance de voir passer leur mémoire à la postérité.

J’avoue, mon cher Isaac, que les sciences, quand on est venu à bout de les dépouiller des difficultés qui les environnent, ont quelque chose de satisfaisant, & qu’un géomètre & un physicien après avoir travaillé vingt ans de suite avec des soins infinis, les croient bien récompensés par la découverte de quelques vérités inconnues jusqu’alors. Mais s’ils approfondissoient ce qui se passe en eux-mêmes, ils verroient que l’espérance d’éterniser leur nom les détermine bien plus à chercher assidument ces nouvelles vérités, que le seul plaisir de les développer du chaos dans lequel elles étoient ensevelies. S’ils étoient bien assurés qu’ils fussent les seuls à les connoître, & qu’il ne leur fût jamais permis de les divulguer, je doute fort qu’ils voulussent en acheter la connoissance par un travail pénible & continué plusieurs années de suite.