Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/353

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de faux miracles & de chimères religieuses qu’en Italie. Dans une église de Gand [1], on montre une image qui eut une fort longue conversation avec une dévote.

Elle étoit affligée de ce que ses compagnes étoient allées se divertir, & n’avoient point voulu la mettre de leur partie. Le dépit de se voir méprisée lui faisoit verser des larmes. Qu’avez-vous, ma chère enfant, lui dit l’image, Hélas madame, répartit la dévote, (car c’étoit une image femelle qui lui parloit.) Je ne sçais ce que j’ai fait à mes compagnes. Elles me méprisent, & m’ont refusé d’aller avec elles. Ne t’afflige point, répartit la figure. Demain, ma fille, tu te réjouiras avec moi : tu seras à tes noces éternelles. Elle n’en dit pas davantage, & ne lui apprit point quel étoit l’illustre époux qui lui étoit destiné. Mais la dévote mourut en effet le lendemain ; & l’image demeura avec la bouche ouverte, pour qu’on ne pût douter de la réalité de ce miracle. Les Gantois estiment extrêmement cette figure : ils ne la troqueroient pas contre l’Hercule Farnèse, & la Vénus de Médicis. Ils sont fort étonnés, lorsqu’ils racontent cette histoire à quelques étrangers, & qu’ils

  1. Les Béguines.