Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/50

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par leur génie. Un habile orateur peut être choisi pour l’avocat de sa patrie : son éloquence l’élève en un rang où le seul mérite peut conduire. Si les charges de président à mortier étoient données en France aux avocats qui se distingueroient le plus, je ne doute pas que le barreau ne fût beaucoup plus brillant qu’il ne l’est. L’ambition de parvenir aux premières charges de la magistrature exciteroit davantage à l’étude de l’éloquence ; & l’avocat qui sçauroit qu’il est né & destiné pour de grands emplois, prendroit des idées plus grandes & plus nobles.

Les orateurs ont le défaut, ainsi que les autres sçavans, de travailler plutôt pour l’argent que pour la gloire. J’ai connu beaucoup d’auteurs : & lorsque je leur parlois de quelques-uns de leurs ouvrages qui me paroissoient négligés, Que voulez-vous que l’on fasse, me répondoient-ils ? Les libraires ne nous donnent qu’une demi-pistole de la feuille. Que peut-on faire de bon à ce prix ? Il en est de même des avocats. Je n’ai que dix pistoles d’un plaidoyer, disent-ils, irai-je suer sang & eau pour une somme aussi modique ? Je plaide comme l’on me paye ; & je donne de la marchandise pour l’argent que je reçois.