Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/51

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Il est donc impossible, qu’un orateur en France puisse s’appliquer à perfectionner son art, & amasser du bien en même-tems. Il faut qu’il opte, ou d’être pauvre, ou de ne pouvoir produire que des ouvrages imparfaits. Il est impossible de suffire à la quantité de causes qu’embrassent la plûpart des avocats. Un seul plaide souvent dans une année plus de causes, que Cicéron & Démosthène n’en plaiderent dans tout le cours de leur vie.

L’éloquence a été poussée beaucoup plus loin dans la chaire que dans le barreau. Ceux qui se sont appliqués à composer les sermons, des panégyriques & des oraisons funèbres, étoient dans des postes éminens, ou bien ils espéroient que leurs talens les y conduiroient. Ils songeoient à plaire, & non pas à ramasser des richesses : ils faisoient leur unique étude de perfectionner leurs talens. Ils avoient encore un autre avantage sur les orateurs du barreau. Tous leurs sujets leur offroient des matières vastes, sublimes, & capables d’élever l’esprit par leur simple contemplation. Est-il rien de plus grand & de plus majestueux que l’explication des ordres & des décrets de la divinité ? Rien qui touche, qui saisisse & qui attache plus les hommes &