Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/74

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aux hommes, devient un théâtre de vendeurs d’orviétan. C’est en vain que l’on dit qu’il faut prêcher au menu peuple d’une façon différente de celle dont on parle aux gens éclairés. On peut exprimer une morale pure, & aisée à comprendre, sans farcir les esprits de cent contes ridicules, que l’avarice fait inventer. L’habit neuf de S. Julien que ce prédicateur vouloit acheter, auroit pû lui en produire un à lui-même par-dessus le marché. Mais quoi ! Un prédicateur doit-il, pour un vil intérêt, sortir de son caractère qui lui donne un rang respectable ? Ministre de la parole de Dieu, doit-il la mélanger avec des fables grossieres, capables de scandaliser, non-seulement ceux qui ne sont pas de la croyance nazaréenne, mais même ceux qui en sont le plus persuadés ?

On ne sçauroit trop prendre de précaution pour examiner la science & la capacité de ceux à qui l’on accorde la liberté de prêcher. Ils deviennent les conducteurs de tout un peuple, On doit les regarder comme les principaux objets extérieurs qui produisent les idées dans l’esprit d’un nombre de gens qui ne voient & ne connoissent rien que par eux. Combien importe-t-il donc au