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LE SECRET

aucune lassitude de corps ni d’esprit. Quelque diffuse que soit ma description de ses sentiments, je décris à peine un dixième de ses pensées et de ses souffrances ; ses angoisses rempliraient des volumes imprimés en caractères très-fins. Tout en elle était souffrance, doute, perplexité. Tantôt elle envisageait ses tourments en détail, et tantôt elle les réunissait en bloc, par une seule pensée, plus rapide que l’éclair. Elle était debout contre la cheminée de son boudoir et attendait, en regardant marcher les aiguilles de la pendule, que le moment de quitter la maison arrivât.

« J’attendrai dix minutes, se dit-elle, mais pas un moment de plus avant de m’engager dans ce nouveau péril. »

Elle écouta le mugissement du vent qui semblait avoir redoublé à mesure que la nuit avançait et que les ténèbres devenaient plus épaisses.

Les aiguilles parcoururent lentement sur la pendule le petit espace marqué par les dix minutes. À minuit moins un quart, milady prit une lampe et sortit sans bruit de sa chambre. Son pas était aussi léger que celui d’une gazelle, et elle n’avait pas à craindre d’éveiller le moindre écho dans cette maison, livrée au sommeil, en marchant sur les dalles des corridors et les tapis de l’escalier. Elle ne s’arrêta que lorsqu’elle fut arrivée au vestibule du rez-de-chaussée. On sortait par plusieurs portes de ce vestibule octogone comme l’appartement de milady. L’une de ces portes menait à la bibliothèque, et ce fut celle-là que lady Audley ouvrit avec précaution.

C’eût été folie que de tenter une sortie secrète par l’une des portes principales, car le concierge lui-même surveillait la fermeture de toutes les portes par devant et par derrière. Le secret des serrures fixées à ces portes pour mettre à l’abri la vaisselle plate de sir Michaël, n’était connu que des domestiques qui les ou-