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LE SECRET

mais sombre comme une cellule ; le salon était meublé de draperies en velours peu faites pour égayer l’esprit, et la chambre à coucher renfermait un lit d’un mécanisme si curieux, qu’on ne voyait pas par où on pouvait s’y glisser à moins de déchirer la couverture avec un canif.

Milady contempla ces appartements, passablement tristes à la lueur de la bougie. Cette flamme solitaire et pâle, ressemblant elle-même à un esprit, était multipliée par les mille apparitions encore plus pâles, qui brillaient partout autour de la chambre : dans les profondeurs sombres des boiseries et des parquets pâles, dans les vitres des fenêtres, dans les glaces, dans les grandes étendues de choses brillantes qui ornaient les pièces et que milady prenait pour de coûteux miroirs, mais qui n’étaient en réalité que de méchantes imitations en étain bruni.

Parmi la splendeur fanée du velours usé, des dorures ternies et du bois poli et brillant, elle se laissa tomber dans un fauteuil et se couvrit la figure de ses mains. Leur blancheur et la lumière tremblante comme celle des étoiles des diamants qui les couvraient étincelaient dans la chambre faiblement éclairée. Elle s’assit sans rien dire, inanimée, désespérée, fiévreuse, tandis que Robert et le médecin français se retirèrent dans une chambre à côté et parlèrent à voix basse. M. Audley n’avait que fort peu de chose à ajouter à ce qui avait déjà été dit pour lui par le médecin et avec bien meilleure grâce. Après s’être creusé l’esprit, il remplaça le nom auquel lady Audley avait droit par celui de Taylor, et dit au directeur que cette mistress Taylor était une parente éloignée qui avait hérité de la folie de sa mère comme le docteur Mosgrave en avait informé M. Val ; qu’elle avait donné quelques preuves de dérangement d’esprit, mais qu’elle n’était pas folle dans la vraie acception du mot. Il le pria de la traiter avec