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LE SECRET

même ton, en se frottant les mains et en regardant radieusement Robert et la personne confiée à ses soins, si madame ne s’était levée furieuse et ne lui eût enjoint de se taire en le menaçant de ses doigts chargés de pierreries.

« Laissez-moi seule avec l’homme qui m’a amenée ici, cria-t-elle les dents serrées, laissez-moi seule ! »

Elle montra la porte avec un geste impérieux si rapide que la draperie de soie s’ouvrit avec fracas sous sa main. Les brèves syllabes françaises sifflaient à travers ses dents pendant qu’elle les débitait et semblaient mieux convenir à son ton et à sa disposition d’esprit que l’anglais familier qu’elle avait parlé jusqu’ici.

Le docteur français leva les épaules et s’en alla dans le noir vestibule en murmurant :

« Quel charmant diable, » avec un geste digne de Mlle Mars.

Lady Audley se dirigea rapidement vers la porte qui séparait la chambre à coucher du salon, la ferma, et, tenant toujours le bouton dans sa main, elle se retourna vers Robert Audley.

« Vous m’avez conduite dans une tombe, monsieur Audley, s’écria-t-elle. Vous avez usé lâchement et cruellement de votre puissance pour m’enterrer vivante.

— J’ai fait ce que me commandaient la justice envers les autres et la compassion envers vous, répliqua tranquillement Robert ; j’eusse mal agi à l’égard de la société, si je vous eusse laissé la liberté, après la disparition de George Talboys et l’incendie de l’auberge du Château. Je vous ai amenée dans une maison où vous serez traitée avec bonté par des gens qui ne savent pas votre histoire et n’auront aucun reproche à vous adresser. Vous mènerez ici une vie calme et tranquille, madame, comme celle que se choisissent