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DE LADY AUDLEY

bien des femmes meilleures que vous dans ce pays catholique et qu’elles endurent heureusement jusqu’à la fin. La solitude de votre existence ne sera pas plus grande que celle de la fille d’un roi qui, pour échapper aux malheurs de son temps, alla s’ensevelir dans une retraite pareille à celle-ci. Ce sera une expiation bien légère que je vous impose pour tous vos crimes, une faible pénitence à laquelle je vous soumets. Vivez ici et repentez-vous. Personne ne vous tourmentera. Repentez-vous ! je n’ai que cela à vous dire.

— Je ne puis, s’écria-t-elle écartant ses cheveux et fixant ses yeux dilatés sur Robert Audley. Je ne puis ! C’était bien la peine d’être belle, de comploter et de ne pas dormir la nuit en songeant au danger pour en arriver à un pareil résultat. Puisque je devais finir ici, il aurait bien mieux valu renoncer à tout, lors du retour de George Talboys en Angleterre, et ne pas résister à la malédiction qui pesait sur moi. »

Elle saisit à pleine main les boucles dorées de ses cheveux, comme si elle avait voulu les arracher de sa tête. Elle lui avait servi si peu, après tout, la belle auréole d’or qui contrastait si bien avec l’azur de ses yeux bleus ! Elle détestait sa beauté. Elle se détestait elle-même.

« Je rirais de vous et je vous défierais, si j’osais, reprit-elle. Je me tuerais, si j’en avais le courage, mais je suis lâche, je l’ai toujours été. J’ai eu peur de l’horrible héritage de ma mère… peur de la pauvreté… peur de George Talboys… peur de vous. »

Elle se tut un moment sans quitter sa place près de la porte, comme si elle avait résolu de retenir Robert aussi longtemps qu’elle le voudrait.

« Savez-vous à quoi je pense ? dit-elle tout à coup. Savez-vous à quoi je pense en vous regardant à la lueur de cette bougie ? Je pense au jour où George Talboys disparut. »