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LE SECRET

que sa joie fût troublée par l’ombre du train express qui allait l’emporter à Londres le lendemain ; il ne pouvait s’empêcher d’être heureux en sa présence, d’oublier le passé et de ne pas se préoccuper de l’avenir.

Ils parlèrent de ce frère disparu qui était toujours leur trait d’union, et Clara fut bien triste ce soir-là. Comment pouvait-elle être autrement en se rappelant que si George vivait, ce dont elle n’était pas sûre, il errait dans le monde, loin de ceux qui l’aimaient, et portait partout avec lui le souvenir de sa vie flétrie.

« Je ne comprends pas, dit-elle, comment papa peut se résigner ainsi à l’absence de mon pauvre frère ; car il l’aime, monsieur Audley, vous avez même dû vous en apercevoir. Ah ! si j’étais homme, j’irais en Australie, je le trouverais et je le ramènerais ici, si toutefois il est encore de ce monde, » ajouta-t-elle à voix basse.

Elle détourna la tête et regarda le ciel qui s’assombrissait. Robert plaça sa main sur le bras de la jeune fille. Cette main tremblait malgré lui, et sa voix tremblait aussi quand il parla.

« Faut-il que j’aille à la recherche de votre frère ? demanda-t-il.

— Vous !… s’écria-t-elle en le regardant les yeux pleins de larmes, vous…, monsieur Audley !… croyez-vous donc que je pourrais vous demander un pareil sacrifice pour moi ou pour ceux que j’aime ?

— Et pensez-vous, Clara, qu’un sacrifice me paraîtrait trop pénible, s’il était fait pour vous ?… pensez-vous que je trouverais trop long n’importe quel voyage, si je savais que vous m’accueilleriez au retour avec des remercîments pour vous avoir servi fidèlement ?… J’irai d’un bout de l’Australie à l’autre pour chercher votre frère, si vous le désirez, Clara, et je ne reviendrai qu’après l’avoir trouvé. Je vous laisse le soin de choisir la récompense de mes peines. »