Page:Braddon - Le Secret de lady Audley t2.djvu/269

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
261
DE LADY AUDLEY

Sa tête était courbée et elle resta quelques instants sans rien dire.

« Vous avez bon cœur, monsieur Audley, dit-elle enfin, et je sens si bien tout le prix de votre offre, que je ne trouve pas de remercîments à vous adresser. Mais ce dont vous parlez ne peut se faire. En vertu de quel droit vous imposerai-je un tel sacrifice ?

— En vertu du droit qui me fait pour toujours votre esclave, que vous le vouliez ou non, du droit que vous donne sur moi l’amour que j’ai pour vous, Clara, s’écria M. Audley se jetant à genoux avec beaucoup de maladresse, il faut l’avouer, et s’emparant d’une petite main qu’il couvrit de baisers. Je vous aime… Clara… je vous aime… Vous pouvez appeler votre père et me faire sortir de cette maison si vous voulez, mais je vous aimerai tout de même et toujours, que cela vous plaise ou non. »

La petite main s’éloigna de la sienne, mais pas brusquement, et elle s’appuya un instant toute tremblante sur les cheveux noirs de Robert.

« Clara… Clara… murmura-t-il d’une voix suppliante, faut-il que j’aille en Australie chercher votre frère ? »

Pas de réponse. Je ne sais comment cela se fait, mais, en pareil cas, le silence est ce qu’il y a de plus agréable. Chaque moment d’hésitation est un aveu tacite, chaque pause une confession charmante.

« Irons-nous tous deux, voulez-vous, ma bien-aimée ?… Irons-nous comme mari et femme, et ramènerons-nous votre frère entre nous deux ? »

M. Harcourt Talboys parut un quart d’heure après. Il trouva Robert Audley tout seul et se vit forcé d’entendre une révélation qui le surprit beaucoup. Comme tous les gens suffisants, il voyait très-peu ce qui se passait sous son nez ; et il avait cru bénévolement que c’était sa société et la régularité qui régnait chez lui,