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DE LADY AUDLEY

La première personne qui parut sur les marches inégales de l’escalier fut un enfant en habit de futaine qui faisait grand bruit avec ses souliers ferrés et avait la figure encore toute rouge de la fatigue que lui avait valu le soin de gonfler le soufflet du vieil orgue. Derrière cet enfant venait une jeune femme vêtue très-simplement d’une robe de soie noire et d’un grand châle gris. À la vue de Robert Audley, elle tressaillit et devint pâle.

Cette jeune femme était Clara Talboys.

C’était justement la seule personne au monde que Robert ne comptât pas voir. Elle lui avait dit qu’elle allait rendre visite à quelques amis qui habitaient le comté d’Essex, mais le comté était grand et le village d’Audley un des plus reculés et des moins fréquentés. L’idée que la sœur de son ami perdu se trouvait là…, qu’elle pouvait surveiller tous ses mouvements et en arriver à savoir ce qui le préoccupait, fut pour lui une difficulté nouvelle à laquelle il ne s’attendait guère. Cette complication lui remit en mémoire ce moment où, convaincu de son impuissance, il s’était écrié :

« Une main plus forte que la mienne me fait signe d’avancer sur la sombre route qui mène à la tombe ignorée de mon ami. »

Clara Talboys fut la première à parler.

« Vous êtes surpris de me voir ici, monsieur Audley ? dit-elle.

— Très-surpris, en effet.

— Je vous ai dit que j’allais dans le comté d’Essex. Je suis partie avant-hier, quelques instants après l’arrivée de votre dépêche télégraphique. L’amie avec laquelle je demeure est mistress Martyn, la femme du nouveau recteur de Mount Stanning. Je suis descendue ce matin pour voir l’église et le village, et comme mistress Martyn avait à visiter l’école avec le curé et sa femme, je me suis arrêtée ici à essayer l’orgue. J’i-