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du problème de l’erreur

une intuition directe, que la pensée découvre les essences intelligibles : la connaissance vraie est toujours l’image fidèle de la réalité.

Quelques-uns vont même plus loin : non seulement la pensée voit les choses telles qu’elles sont, mais, puisque l’essence des choses est intelligible, elle s’identifie avec elles. Elle ne les voit plus du dehors, mais du dedans ; elle est au cœur de l’absolu. Malebranche, en soutenant la théorie de la vision en Dieu, est bien près d’accepter cette conception. Spinoza l’adopte ouvertement : la pensée adéquate de l’homme, identique à la pensée divine, ne se distingue pas de l’essence objective[1].

Mais qu’on identifie l’idée et l’objet, ou qu’on distingue deux choses, l’être et la pensée, l’idée, lorsqu’elle est vraie, est tellement conforme à l’être, qu’il est inutile de l’en distinguer. « Le vrai, c’est l’être », dit Bossuet. — Dès lors, la certitude ne se distingue plus de la vérité. Ce serait mal la définir que la considérer comme l’adhésion de l’âme à la vérité : elle n’est autre chose que la connaissance même du vrai. Elle n’est pas un état subjectif de l’âme ; elle n’est pas une chose qui s’ajoute à l’idée vraie. Si l’âme est certaine, ce n’est pas en tant qu’elle est l’âme de tel ou tel, individuelle et déterminée, mais en tant qu’elle représente un objet et qu’elle fait partis de l’absolu. On

  1. Spinoza, De Int. emend., éd. de 1677, p. 366.