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du problème de l’erreur

naître le faux, c’est-à-dire ce qui n’est pas ? Dire que l’esprit connaît directement la réalité, c’est dire qu’en lui-même il est infaillible ; on l’affirme expressément, et pourtant il se trompe ! Il faut bien concilier ces choses en apparence au moins contradictoires, et le philosophe est tenu d’expliquer comment les défaillances trop certaines de l’esprit n’altèrent pas son infaillibilité. La question est d’autant plus grave que souvent, quand nous nous trompons, nous déclarons être certains. À coup sûr, nous ne le sommes pas, puisque, par définition, la certitude est la connaissance de la vérité. Mais le vulgaire ne distingue pas facilement la certitude vraie de la certitude fausse. Il faut des yeux de philosophe pour apercevoir la différence ; même en regardant de très près, ils ne l’aperçoivent que malaisément ; c’est même une question de savoir s’ils l’aperçoivent.

Les grands métaphysiciens, Platon, Descartes, Malebranche, Spinoza, n’ont pas méconnu l’importance de la question : ils en ont vu la difficulté et se sont épuisés en efforts pour la résoudre. Rien de plus simple et de plus clair que leur théorie de la certitude ; rien de plus compliqué et de plus obscur que leur théorie de l’erreur. Unanimes sur la première, ils sont très divisés d’opinion sur la seconde, et il est à coup sûr intéressant et instructif de comparer les diverses solutions que ces grands esprits ont données d’un même problème.