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de l’erreur

étroitement unie à la vérité qu’elle peut à peine en être détachée par la plus minutieuse attention, et mêlée de vérité plus souvent encore qu’elle n’est mêlée à la vérité.

La solution de ce problème est importante si on veut mesurer la portée de l’esprit humain. Le nombre et la fréquence de nos erreurs, l’impossibilité où nous sommes de les éviter, sont des arguments constamment invoqués par les détracteurs de la raison. Qu’avec les sceptiques on condamne l’esprit sans le remplacer, ou que, comme les mystiques, on se défie de lui et qu’on l’écarte pour lui substituer les élans du sentiment, ou qu’enfin, à l’exemple des empiristes, on prétende l’enfermer dans un étroit domaine, celui de la science positive, en lui interdisant toute excursion qu’on déclare non seulement dangereuse, mais impossible, c’est toujours l’exemple de ceux qui se sont trompés qu’on met en avant ; c’est toujours le spectre de l’erreur qu’on évoque. Pourtant, si de ce que les hommes se sont souvent trompés, on voulait conclure légitimement qu’ils se tromperont toujours, soit en toutes choses, soit dans un ordre, particulier de connaissances, il faudrait avoir déterminé pourquoi ils se trompent, avoir établi que l’erreur dépend d’une cause permanente, que l’esprit humain, affligé d’un vice radical et incurable, est à jamais incapable de saisir la vérité. Est-il, comme disait Bacon, sans se préoccuper de la contradiction que sa doctrine renfermait,