Page:Bronte - La Maitresse d anglais - tome 1.djvu/17

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— Comment ferons-nous pour consoler miss Polly de l’absence de son papa ? dit ma marraine.

— Oh ! jamais je ne me consolerai, madame.

— Elle ne mange pas, dit à part mistress Graham. Je vois à ses yeux qu’elle n’a pas dormi. Tant qu’elle n’aura pas pris du goût pour quelqu’un ici, cela ira mal.

Quelques jours s’écoulèrent, et ce goût ne lui venait pas. On ne pouvait la dire méchante ni capricieuse, mais jamais exilé ne porta plus lisiblement écrits sur son front des signes du mal du pays. Elle vivait au milieu de nous, mais son âme était ailleurs. Souvent nous la cherchions partout, et quand on finissait par la découvrir blottie dans un trou de souris, sa jolie tête était toujours appuyée ou cachée dans ses mains. Plusieurs fois sous un doux rayon de lune, je la vis agenouillée dans son lit, priant avec la ferveur d’une petite sainte. Rarement j’entendais ses prières, car elle les murmurait tout bas et ne les articulait même pas ; mais le mot papa, dans le peu que je distinguais, revenait aussi souvent que celui de Dieu.

Une si grande douleur, une mélancolie si profonde dans un être si frêle, nous inquiétaient fort, ma marraine et moi. La pauvre enfant ne se familiarisait avec aucune de nous