Page:Bronte - La Maitresse d anglais - tome 1.djvu/45

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ques jours et de revenir, si j’échouais dans mes espérances ; une petite vacance m’était bien permise après tant de fatigues. Ne valait-il pas mieux envisager ainsi la chose que d’y voir une question de vie ou de mort ? Rien de tel que de ne pas s’exagérer l’importance de ses actes, quand on veut se tenir l’esprit en repos. L’enflure des mots, l’exagération des idées, suffisent souvent pour donner la fièvre.

Un voyage de cinquante milles demandait alors une journée, car je parle d’un temps loin de nous déjà. À neuf heures environ, par une humide soirée de février, j’atteignis la Babylone insulaire. Mes premières impressions n’eurent rien de pittoresque ni de poétique : il faisait noir ; il pleuvait. Les cochers et les porteurs qui se pressaient autour de la diligence parlaient un langage presque aussi inintelligible pour moi qu’une langue étrangère. Jamais je n’avais entendu défigurer l’anglais de la sorte. Je parvins pourtant à me faire conduire dans une auberge dont j’avais eu soin de prendre l’adresse avant mon départ. Ma faim fut aisément rassasiée ; je me réchauffai à un grand feu et je gagnai bientôt ma chambre. Alors, seulement, ma triste condition se présenta à moi tout entière. Qu’allais-je devenir dans cette ville immense, sans un ami ? Et pourtant, je ne regrettais pas d’y être venue. Un vague instinct