Page:Buffenoir - Cris d’amour et d’orgueil, 1887-1888.djvu/6

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Est-ce un poète fier dont la strophe limpide
Et les tendres aveux ont causé ton émoi !

Peut-être est-ce un héros entrevu dans un livre,
Un superbe tribun aux accents enflammés,
Un vengeur courageux qui se lève, et délivre
D’un joug pesant et dur les peuples opprimés ?

Quoi qu’il en soit enfant, ta blessure est divine !
Puisque l’amour t’invite à son riant festin,
Puisque pour te guider son flambeau t’illumine,
Mets ta main sur ton cœur, et bénis ton destin !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


Le soleil disparut. Une ombre sépulcrale
Remplaça tout à coup sa vivante clarté,
Et j’eus peur en voyant l’immense cathédrale
Retomber dans la nuit et dans l’obscurité !



JOIE D’AIMER



Pour mieux m’abandonner à toi, mon cher amour,
Et pour mieux m’enivrer de nos béatitudes,
Je m’en vais quelquefois méditer tout un jour,
Comme un anachorète, au fond des solitudes.

Le hasard des sentiers dirige seul mes pas
Je traverse en chantant les bois et les clairières,
Et j’aperçois de loin sur le bord des rivières
Des bourgs et des hameaux que je ne connais pas.

Je marche ou je m’assieds selon ma fantaisie,
Admirant les moissons, espoir du laboureur,
Et laissant librement la saine poésie
De la belle nature ensoleiller mon cœur.

Mais que sont ces beautés d’une rive sonore,
Ce printemps fortuné qui vient nous rajeunir.
Auprès de ta pensée et de ton souvenir,
Mignonne au doux regard, chère âme que j’adore !

C’est parce que je sais combien nous nous aimons
Que tout d’un rayon rose à mes yeux se colore,
Les arbres, les rochers, les champs de blé, les monts,
Et le brouillard léger qui flotte et s’évapore…

Fou de te posséder, fou de t’appartenir,
Pour calmer la cruelle angoisse de l’absence,
Je m’exalte et m’enivre en ta réminiscence,
Et bâtis de riants projets pour l’avenir.