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THÉORIE DE LA TERRE.

criture-Sainte, ce n’est point ce déluge qui a produit l’amas des coquilles de Touraine ; peut-être n’y en a-t-il d’aussi grands amas dans aucun endroit du fond de la mer : mais enfin le déluge ne les en auroit pas arrachées ; et s’il l’avoit fait, ç’auroit été avec une impétuosité et une violence qui n’auroient pas permis à toutes ces coquilles d’avoir une même position : elles ont du être apportées et déposées doucement, lentement, et par conséquent en un temps beaucoup plus long qu’une année.

» Il faut donc, ou qu’avant ou qu’après le déluge la surface de la terre ait été, du moins en quelques endroits, bien différemment disposée de ce qu’elle est aujourd’hui, que les mers et les continents y aient eu un autre arrangement, et qu’enfin il y ait eu un golfe au milieu de la Touraine. Les changements qui nous sont connus depuis le temps des histoires ou des fables qui ont quelque chose d’historique, sont, à la vérité, peu considérables ; mais ils nous donnent lieu d’imaginer aisément ceux que des temps plus longs pourroient amener. M. de Réaumur imagine comment le golfe de Touraine tenoit à l’Océan, et quel étoit le courant qui y charrioit des coquilles ; mais ce n’est qu’une simple conjecture donnée pour tenir lieu du véritable fait inconnu, qui sera toujours quelque chose d’approchant. Pour parler plus sûrement de cette matière, il faudroit avoir des espèces de cartes géographiques dressées selon toutes les manières de coquillages enfouis en terre : quelle quantité d’observations ne faudroit-il pas, et quel temps pour les avoir ! Qui sait cependant si les sciences n’iront pas un jour jusque là, du moins en partie ?