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ART. XI. MERS ET LACS.

le vent disperse dans l’horizon, et qui cause un froid si piquant, qu’on ne peut sortir au grand air sans risquer d’avoir les pieds et les mains entièrement gelés. C’est dans cette saison que l’on voit glacer l’eau sur le feu avant de bouillir : c’est alors que l’hiver pave un chemin de glace sur la mer, entre les îles voisines, et dans les baies et les détroits…

» La plus belle saison du Groenland est l’automne ; mais sa durée est courte, et souvent interrompue par des nuits de gelées très froides. C’est à peu près dans ces temps là que, sous une atmosphère noircie de vapeurs, on voit les brouillards qui se gèlent quelquefois jusqu’au verglas, former sur la mer comme un tissu glacé de toiles d’araignées, et dans les campagnes charger l’air d’atomes luisants, ou le hérisser de glaçons pointus, semblables à de fines aiguilles.

» On a remarqué plus d’une fois que le temps et la saison prennent dans le Groenland une température opposée à celle qui règne dans toute l’Europe ; en sorte que si l’hiver est très rigoureux dans les climats tempérés, il est doux au Groenland ; et très vif en cette partie du nord, quand il est le plus modéré dans nos contrées. À la fin de 1739, l’hiver fut si doux à la baie de Disko, que les oies passèrent, au mois de janvier suivant, de la zone tempérée dans la glaciale, pour y chercher un air plus chaud, et qu’en 1740 on vit point de glace à Disko jusqu’au mois de mars, tandis qu’en Europe, elle régna constamment depuis octobre jusqu’au mois de mai…

» De même l’hiver de 1763, qui fut extrêmement froid dans toute l’Europe, se fit si peu sentir au Groenland qu’on y a vu quelquefois des étés moins doux. »