Page:Buffon - Oeuvres completes, 1829, T02.djvu/218

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
212
THÉORIE DE LA TERRE.

j’étois sur celles qui sont les plus avancées, je ne pus regagner la ville sans être mouillé de l’eau de la mer beaucoup plus qu’on ne peut l’être par la pluie la plus abondante.

Ces exemples suffisent pour faire entendre avec quelle violence la mer agit contre les côtes ; cette violente agitation détruit, use, ronge, et diminue peu à peu le terrain des côtes ; la mer emporte toutes ces matières, et les laisse tomber dès que le calme a succédé à l’agitation. Dans ces temps d’orage, l’eau de la mer, qui est ordinairement la plus claire de toutes les eaux, est trouble et mêlée des différentes matières que le mouvement des eaux détache des côtes et du fond ; et la mer rejette alors sur les rivages une infinité de choses qu’elle apporte de loin, et qu’on ne trouve jamais qu’après les grandes tempêtes, comme de l’ambre gris sur les côtes occidentales de l’Irlande, de l’ambre jaune sur celles de Poméranie, des cocos sur les côtes des Indes, etc., et quelquefois des pierres ponces et d’autres pierres singulières. Nous pouvons citer, à cette occasion, un fait rapporté dans les nouveaux Voyages aux îles de l’Amérique : « Étant à Saint-Domingue, dit l’auteur, on me donna entre autres choses quelques pierres très légères que la mer amène à la côte quand il a fait de grands vents du sud : il y en avoit une de deux pieds et demi de long sur dix-huit pouces de large et environ un pied d’épaisseur, qui ne pesoit pas tout-à-fait cinq livres ; elle étoit blanche comme la neige, bien plus dure que les pierres ponces, d’un grain fin, ne paroissant point du tout poreuse ; et cependant, quand on la jetoit dans l’eau, elle bondissoit comme un ballon qu’on jette contre