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THÉORIE DE LA TERRE.

la matière tenace et visqueuse n’a qu’une demi-fluidité ; ainsi les torrents de cette matière vitrifiée coulent lentement en comparaison des torrents d’eau, et néanmoins ils arrivent souvent à d’assez grandes distances : mais il y a dans ces torrents de feu un mouvement de plus que dans les torrents d’eau ; ce mouvement tend à soulever toute la masse qui coule, et il est produit par la force expansive de la chaleur dans l’intérieur du torrent embrasé ; la surface extérieure se refroidissant la première, le feu liquide continue à couler au dessous ; et comme l’action de la chaleur se fait en tous sens, ce feu, qui cherche à s’échapper, soulève les parties supérieures déjà consolidées, et souvent les force à s’élever perpendiculairement : c’est de là que proviennent ces grosses masses de laves en forme de rochers qui se trouvent dans le cours de presque tous les torrents où la pente n’est pas rapide. Par l’effort de cette chaleur intérieure, la lave fait souvent des explosions, sa surface s’entr’ouvre, et la matière liquide jaillit de l’intérieur et forme ces masses élevées au dessus du niveau du torrent. Le P. de La Torre est, je crois, le premier qui ait remarqué ce mouvement intérieur dans les laves ardentes ; et ce mouvement est d’autant plus violent qu’elles ont plus d’épaisseur et que la pente est plus douce : c’est un effet général et commun dans toutes les matières liquéfiées par le feu, et dont on peut donner des exemples que tout le monde est à portée de vérifier dans les forges[1]. Si l’on observe

  1. La lave des fourneaux à fondre le fer subit les mêmes effets. Lorsque cette matière vitreuse coule lentement sur la dame, et qu’elle s’accumule à sa base, on voit se former des éminences, qui sont des