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VI


Quoiqu’ils aient à leur usage et pour leur développement libre un pays qui ne contient pas moins de 220 millions d’acres, dont 22 millions à peine sont en culture, les Canadiens sentent le besoin irrésistible de se répandre au dehors, d’essaimer au loin, comme tous les peuples aventureux et colonisateurs, obéissant en cela à l’impulsion qui poussait les aïeux de leurs aïeux, les Gaulois, et plus tard les Français des 17e et 18e siècles, qui avaient fondé des établissements considérables dans l’Hindoustan, en Océanie, en Afrique, et tout un monde dans le nord de l’Amérique.

Les Canadiens ne sont pas tous nés pour le défrichement ; il y en a beaucoup à qui répugne ce travail pénible et ingrat, dont la rémunération se fait si longtemps attendre ; d’autres, en très grand nombre, ne peuvent résister à l’esprit d’aventure ; d’autres enfin, nombreux aussi, veulent acquérir au plus tôt et jouir de leurs années de jeunesse, dans le sein des grandes villes ; mais tous apparaissent comme possédés du désir instinctif, inconscient pour eux, mais désormais manifeste pour l’observateur, désir de reconquérir pied à pied, et par la voie de l’expansion naturelle, tout le terrain qui leur a été enlevé par la conquête, de l’Atlantique aux Montagnes Rocheuses.

C’est pourquoi vous les voyez partout : ils essaiment et prennent racine sur les points les plus éloignés, sur les sols les plus différents. Ne cherchez pas les causes de l’émigration des Canadiens ; elles sont fatales, elles tiennent au tempérament même de notre peuple. Les Canadiens vont au loin, quand ils ont tant à accomplir