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PREMIÈRE RENAISSANCE.

d’une date plus récente, ne saurait les éclipser. J’y joindrai un certain nombre d’édifices de la première Renaissance, dont l’ordonnance modeste pourrait échapper à un regard superficiel ou à un œil blasé.

Ce sont surtout les architectes d’Æneas Sylvius Piccolomini (Pie II) qui entreprirent d’embellir la patrie de ce pape et ses environs : Francesco (Cecco) di Giorgio, de Sienne (1439-1502), et Bernardo (Rosselino), de Florence[1]. Ce dernier transforma l’ancienne Corsignano, non loin de Montepulciano, dans un site ravissant vis-à-vis du Monte Amiata, pour en faire Pienza [a], « la ville de Pie » ; là, sur un espace extremement limité, l’église (imitée, par ordre du pape, d’une église autrichienne à nefs de même hauteur), une résidence épiscopale, et trois palais différents forment un groupe architectural complet, dans le style noble de la première Renaissance. Le Palazzo Piccolomini s’y distingue par sa façade grandiose, à peu près semblable à celle du Palazzo Rucellai à Florence, et par une loggia à trois étages de colonnes, placée sur le revers, pour la rue ; avec une percée pratiquée dans l’axe principal. — La ravissante fontaine sur la place, de 1462, est aussi l’œuvre de l’architecte Bernardo.

La seule œuvre dont l’attribution à Franc. di Giorgio soit certaine est la belle Madonna del Calcingio [b], devant Cortone, commencée en 1485. La coupole du Florentin Pietro di Domenico di Nozzo, achevée en 1514, est à peine différente de celle qui avait d’abord été projetée. L’influence de cette croix latine voûtée, dont les murs sont allégés par des chapelles en forme de niches et animés à l’aide de pilastres, s’étend sur toute l’Italie centrale. — Plus simple et, à l’extérieur, d’un travail plus fin, S. Maria de’ Miracoli, dans un nid de montagnes, à Castel Rigone [c] (station de Passignano entre Cortone et Pérouse), a encore en partie des formes gothiques, avec de beaux autels et un portail ; ce dernier est de 1512, et il est l’œuvre de Domenico Bertini da Settignano.

Le célèbre Palais ducal [d] d’Urbino, élevé sous le grand Federigo de Montefeltro, peut-être d’après ses propres indications, passa tout de suite pour l’exemplaire le plus complet d’une somptueuse résidence seigneuriale de la première renaissance, et aujourd’hui encore, c’est une œuvre unique en Italie. La cour et les plus belles parties du palais sont de l’Illyrien Luciano da Laurana (1468-1482). Pour l’élégance des profils et des proportions, Luciano dépasse tous ses contemporains, et souvent il est malaisé de le distinguer de Bramante, son élève. — Les mêmes qualités se retrouvent dans le Palais [e] de Gubbio, également par Laurana, construit sur un terrain montant et d’un grand effet pittoresque. (Citons encore ici les rangées de niches de S. Pietro [f] du même temps). Parmi les œuvres authentiques de Francesco, on cite au contraire le Pal. del Co-

  1. Et non pas Bernardo di Lorenzo, presque inconnu. Dans quelle mesure FRANC. DI GIORGIO a été plus qu’un architecte militaire, et quelle part lui revient dans les palais de Sienne, c’est ce que les documents ne nous disent pas.